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Julie GAAB, de professeur des écoles au métier de Biographe dans le Calvados


AIDE AUX PROFS réalise sur le site APRES PROF la publication de parcours de reconversion de professeurs de tous niveaux et de toutes disciplines, dans la poursuite de ce que nous avions réalisé de décembre 2006 à juin 2016 pour le Café Pédagogique sur une centaine de rubriques mensuelles de "seconde carrière".

 

Ce mois-ci, Julie GAAB, dont les services sont accessibles à nos adhérents avec remise (et plein tarif pour toute demande sans adhésion), a accepté de témoigner de son parcours pour éclairer nos lecteurs sur ce métier qui la passionne, Biographe.

 

Ce métier ne nécessite pas de demande d'autorisation de cumul car il fait partie des "oeuvres de l'esprit" puisque chaque ouvrage réalisé est une oeuvre originale. La manière de l'exercer suppose un statut spécifique, adapté à l'autorisation d'exercer librement, ce que l'association explique à ses adhérents en option IDEES.

 

Quel a été votre parcours professionnel de la fin de vos études jusqu’à votre reconversion actuelle ?

J’ai comme formation initiale une Licence 3 de Lettres Modernes en littérature caribéenne et linguistique des créoles que j’ai obtenue à l’Université des Antilles et de la Guyane en Martinique, un diplôme Cambridge d’anglais passé à l’University Center Farnborough en Angleterre, un Master 1 Français langue étrangère acquis à l’Université de Rouen-Normandie et un diplôme de Professeur des écoles que j’ai obtenu à l’ESPE de Saint-Lô en Normandie.

J’ai d’abord travaillé dans l’animation en tant qu’animatrice puis directrice de centres de vacances ou de loisirs et j’ai une expérience de six mois de jeune fille au pair en Angleterre. Je me suis dirigée vers l’enseignement en 2006 pour travailler comme professeure de français dans des centres FLE ou en Alliance française avec des adolescents et des adultes locuteurs en espagnol voire en anglais, notamment au Mexique, ou en France avec un public adulte japonais, puis en tant que professeure des écoles d’abord en cycle 3, et puis dans différents niveaux, différents programmes, différents projets en tant que brigade remplaçante.

J’ai commencé l’activité de biographe dans ma vie personnelle auprès de proches et ma formation est d’abord autodidacte – c’est à ce titre que je me suis pris à peu près tous les murs possibles et imaginables ! J’ai commencé ensuite à être biographe à mi-temps.

Mes choix de formation continue commencent en 2018 avec une spécialisation au métier de biographe hospitalier avec Passeur de mots et d’histoires (https://passeur-de-mots.fr/) à Paris et à Chartres, une formation à la réécriture et au métier de correcteur au Centre d’écriture et de communication à Paris, diverses formations à l’écoute, à la communication non verbale, des séminaires sur les questions de transmission, de relation et d’accompagnement, jusqu’à un diplôme universitaire d’Éthique avec l’Espace de réflexion éthique de Normandie, mémoire soutenu à l’Université de Caen, et une formation au métier d’animatrice d’ateliers d’écriture créative avec Iscriptura (https://www.iscriptura.fr/), puis une autre à l’édition de livre avec Clarimage (https://www.clarimage.com/) à Paris. Je suis donc biographe, et un peu plus…

Mon entreprise est née en 2016. Elle s’appelle Le Biographier comme « l’arbre à biographies » ; mes activités s’axent autour de l’écriture et de la transmission.

Comme tout biographe, mes accompagnements biographiques consistent à aider une personne à écrire son histoire de vie. Une rencontre, des entretiens, de l’écriture, du lien, un livre, de la transmission et des souvenirs caractérisent ce métier ; sans oublier un paysage francophone contemporain et historique dans lequel je me sens bien et qui m’inspire. Chaque projet d’accompagnement biographique d’une personne est unique ; comme elle. J’ai créé une formation au métier de biographe pour accompagner et transmettre, encore et toujours.

Quels projets pédagogiques aviez-vous pu mener (le cas échéant) et desquels êtes-vous le plus fier(e) ?

Je dirais tous les projets qui ont tourné autour de la culture. C’était d’autant plus satisfaisant de sensibiliser les publics qui y étaient le plus éloignés. Sinon, j’ai toujours été attirée par la philosophie. J’ai animé un café philo avec des adultes vers 2014, et je reprendrai sûrement du service un jour où l’autre… J’ai tenté l’expérience plusieurs années à l’école en cycle 3, et aussi en cycle 1, avec des élèves de Grande section. J’ai adoré leur spontanéité et leur profondeur de réflexion. Développer l’esprit critique est un défi que j’ai toujours particulièrement apprécié.

Quelles compétences avez-vous développées durant tout votre parcours de carrière ? Lesquelles vous sont encore utiles actuellement ?

Je pense que la toute première compétence que j’ai travaillée est la langue française aussi bien dans mes études, dans mes activités professionnelles, que dans mes lectures ou écritures personnelles. J’aime les mots tant dans leur forme que dans leur fond, dans leur sonorité et dans l’espace où on les dépose. Ce n’est pas un hasard si j’ai principalement enseigné le français, et si je propose aujourd’hui une formation au Certificat Voltaire qui atteste de compétences en maîtrise de la langue française – complémentaire à la formation de biographe. La justesse des mots parlés ou écrits optimise la communication et favorise la paix, de manière générale.

L’encadrement est sûrement ma deuxième compétence, que ce soit celui d’enfants qui étaient sous ma responsabilité pour du loisir, ou pour de l’éducatif – j’ai oublié de dire plus haut que j’ai aussi été aide-éducatrice lors de jobs d’été. J’avais dix-neuf ans et j’encadrais des garçons au comportement très sensible, des jeunes très abîmés, remplis de violence, en grande souffrance sociale et affective, âgés de quatorze à dix-huit ans. Dans ce contexte, j’ai tenu parce que je me suis découvert des compétences d’encadrement, mais aussi d’autres que je qualifierais d’humanistes ; j’ai compris qu’une relation d’autorité n’était possible qu’à condition de servir l’autre et de l’aimer ; d’être aussi ferme qu’aimant, que la personne sache que celui qui fait autorité ne le fait que pour son bien à elle.

Les accompagnements, les formations adultes ou l’encadrement de personnel fonctionnent autrement, mais sont basés sur ce même principe de réciprocité, d’accord et de confiance mutuels. L’autre nous suit parce qu’il sait qu’il a tout à y gagner. On ne fait autorité que parce qu’on est légitime à le faire, qu’on nous a choisis pour cela.


D’autres compétences corrélatives sont l’écoute et l’empathie. Enseigner c’est d’abord apprendre ; apprendre à regarder l’autre, à comprendre, à ressentir et envisager ses besoins, ses volontés, et l’accompagner ; dans le cadre de la biographie, là où il veut ; là où il est mieux, en retranscrivant le plus justement possible ce qu’il veut dire. C’est aussi connaître ses difficultés, ses peurs, ses limites, et tenir la main pour les dépasser s’il le souhaite. L’écoute et l’empathie sont les prérequis que je demande dans la formation de biographe.

Mon côté « public » m’invite à œuvrer pour tous sans aucune distinction, à faire preuve de bienveillance et d’impartialité. Je pense que chacun fait ce qu’il peut comme il peut. J’œuvre pour que toute personne, empreinte d’années d’expérience, de chemins tracés, de rencontres éprouvées puisse se révéler dans toute sa complexité. Faire avec soi ; avec l’autre ; avec l’autre en soi.
 
Aviez-vous songé à devenir chef d’établissement ou inspecteur ?

Ni l’un ni l’autre. Une grande partie de ma vie a été, et est toujours, dédiée à être responsable de personnes. J’ai beaucoup encadré. J’ai eu envie de vivre autre chose. Le statut d’indépendante m’a permis de sortir de ce cadre, justement, et de m’envisager autrement, de créer des relations différentes, plus horizontales. Plus j’avance et plus j’apprécie de voyager léger, un peu comme Le voyageur sans bagage d’Anouilh, un comble pour une biographe !

 
Aviez-vous peur de vieillir dans ce métier ?

Le métier d’enseignant a beau être le « plus beau métier du monde », l’envers du décor est loin d’être rose. C’est un métier où il y a de la souffrance psychologique et spirituelle chez les professionnels, principalement lié, il me semble, au delta entre les espérances présentes au plus profond de son être, dans ses valeurs, et la réalité. Son identité peut être mise à mal. Plus l’écart se creuse, plus on souffre. Le mien devait être trop grand. J’ai atteint mes limites. Je n’aurais pas pu vieillir dans la résignation. La meilleure voie pour moi était donc de partir.

Avoir été enseignant a-t-il été un atout ou un handicap dans votre projet de reconversion ?

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, être enseignante – parce que je pense qu’on l’est toute sa vie, même quand on n’exerce plus ; c’est comme le vélo… – est incontestablement un atout pour une reconversion pour bon nombre de compétences.

 

Il y a deux bémols : le premier est que l’enseignant est éloigné du monde de l’entreprise, et qu’il va donc devoir travailler, s’il souhaite être à son compte, les compétences entrepreneuriales. Le deuxième concerne tous les plis dits « déformation professionnelle » qu’un enseignant porte sur son dos et qu’il va devoir apprendre à déposer parfois au vestiaire.

 

En échangeant avec des professionnels d’horizons divers : bâtiment, milieu hospitalier, services, etc., j’ai appris tous les surnoms et comportements archétypaux qui étaient attribués aux enseignants. Je me suis vue dans les yeux des autres ! L’avantage, c’est que je reconnais désormais un enseignant très rapidement, et je ressens toujours ce même sentiment confraternel à son égard.  


Que conseilleriez-vous aujourd’hui à une personne qui souhaite enseigner ?

Si la personne vit l’enseignement dans ses tripes, il y a peu d’intérêt à conseiller quoi que ce soit. Elle vivra ce qu’elle a à vivre. Si elle hésite, je lui chanterai toute la beauté de l’acte d’enseigner, comme cela porte et apporte à tous, y compris à soi-même, mais qu’il est judicieux qu’elle mesure où elle met les pieds, dans quel contexte, avec quel public, quel support, et surtout quelles contraintes. Quand son travail fait sens, qu’on est entouré de professionnels forts, on peut surmonter des situations difficiles. À l’inverse, on peut s’effondrer au moindre coup de vent.

Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite quitter son métier ?

Je lui proposerais d’abord d’essayer de cerner pourquoi ; identifier la raison, savoir si elle est interne ou externe, passagère ou récurrente, une fuite ou une quête. Qu’est-ce qui lui appartient ? Quelles que soient les réponses, l’idée est d’aller là où l’on se sent le mieux. La reconversion est un processus qui met à l’épreuve et qui demande d’être au clair avec soi-même : savoir ce que l’on veut, ce que l’on ne veut plus, et envisager ce qu’il faut créer, parfois modifier pour y parvenir. C’est un moment de vulnérabilité, qui nous rend plus forts, certes, mais qu’il faut traverser.

Grâce à la disponibilité, aux temps partiels, etc., les décisions peuvent être douces, temporaires et réversibles à l’Éducation nationale. Chacun évolue ; c’est normal. On peut avoir été et ne plus être, pour un temps du moins, et c’est la vie ; c’est la vie, mouvante, avec ses hauts et ses bas. L’important est de se poser à l’endroit qui nous convient le mieux pendant la traversée.


Que pensez-vous de l’action proposée par l’association AIDE AUX PROFS pour aider les professeurs qui le souhaitent à quitter l’Éducation nationale ?

Je ne suis plus prof depuis que ma santé ne me l’a plus permis. Sans quoi, je serais peut-être restée longtemps dans une situation inconfortable. J’avais dépassé mes limites, mais je ne m’écoutais pas. Ma santé m’y a contrainte. Les rectorats ont des services d’aide au changement de carrière, mais une association comme Aide aux Profs offre un regard extérieur, neutre, porteur d’expérience et est donc une ressource et passerelle d’intérêt pour l’enseignant.

Apprendre à se faire aider est un des premiers défis quand on veut changer. La vie est suffisamment confrontante pour que l’on s’épargne quand on peut le faire. Appelez à l’aide, tant que vous pouvez ! Vous n’êtes pas en faute ! Et bonne nouvelle, il y a du monde pour vous écouter et vous accompagner. Bonne route !

 


Si tu adhères à AIDE AUX PROFS quelle que soit l'option choisie pour ton projet de reconversion, tu obtiendras si ce métier t'intéresse, une remise de 10% pour la formation "Biographe" ou une remise de 15% sur la formation "Biographe +" présentées ci-dessous.

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