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La reconversion Après Prof de Stéfanie, d'institutrice à un parcours très diversifié


Parcours de prof: Stéfanie, du métier d’institutrice à une multitude de secondes carrières…

 

Quel a été votre parcours professionnel ?

 

 «Après un Bac A5, j'obtiens une Licence en Langues Étrangères Appliquées (LEA), puis je passe le concours d’instituteur et j’enseigne pendant 5 ans en école maternelle. Après plusieurs demandes consécutives non satisfaites de postes à l'étranger, je décide, en 1987, de prendre une année de disponibilité pour travailler à l’international.

 

Bien qu'ayant déjà travaillé pour des entreprises pendant mes trois années d'études, je me suis rendue compte que je n’avais pas assez d'expérience, ni les compétences nécessaires, pour occuper un poste à responsabilité. J’ai alors travaillé pendant deux saisons pour le Club Med et Nouvelles Frontières en tant qu'accompagnatrice de groupes en Espagne, en Turquie, en Israël et en Jordanie. La même année, j’ai commencé un stage d'assistante export de 7 mois, financé par l’IFERP, comprenant du droit international, les Incoterms et du secrétariat.

 

J’ai trouvé immédiatement un poste au World Trade Center du CNIT près de la Grande Arche de La Défense en tant qu'assistante commerciale. Peu à peu, avec l’expérience, je suis devenue commerciale au Centre des Congrès-Expositions, puis chargée en communication et marketing à la filiale lyonnaise, la SECIL, chargée de la construction et du lancement de La Cité Internationale.

 

Après ma troisième année de disponibilité, l’Inspection Académique a refusé ma nouvelle demande, alors que le droit maximum cumulé était de 6 ans. J'ai indiqué que j'étais disponible à reprendre un poste administratif, de direction ou dans une école pilote. En réponse, j'ai reçu un arrêté m'informant que j'étais radiée du cadre des instituteurs des Hauts-de-Seine. C’était en 1992. D'après ce que j'ai compris, non seulement j'étais considérée démissionnaire mais également mon diplôme d’institutrice n’avait plus de valeur. C’est comme si je ne l’avais jamais obtenu, comme si je n'avais jamais exercé. Même s'il devait y avoir malentendu, la pédagogie, ça fait partie de moi, et j’ai toujours été portée pour ça, mais comme mon parcours l'a prouvé par la suite, j'étais désormais seule pour le valoriser.

 

En septembre 1991, je suis licenciée de la SECIL de Lyon pour raisons économiques. Et comme Nice-Acropolis jouissait à l'époque pendant trois années consécutives, de la renommée de « premier Palais des Congrès d’Europe », je décide de m'installer à Nice. Je prépare une palette de services dans l’organisation de séminaires et de congrès pendant un an et lance finalement mon activité en profession libérale. Je trouve mes premières missions dans une agence de communication anglo-américaine qui me confie aussi l'élaboration, la mise en page et la correction d’épreuves. Ensuite, j’ai travaillé pour une start-up américaine, SHIVA International, pour laquelle j’ai assuré le secrétariat de direction puis l’organisation des meetings des distributeurs et les formations techniques à Nice, Cannes et Bali, en Indonésie. Je me suis également occupée de la coordination de sa participation au salon InterOp/Paris et de la coordination des relations presse. En 1995, SHIVA recherche son Directeur Marketing Produit. Après une première période de recrutement non aboutie, le poste m'est proposé. Je ne me sens ni assez technique pour pouvoir le mener à bien rapidement, ni suffisamment intéressée pour décider de m'engager dans cette voie. Ma voie, c'est le service, non le produit. En revanche, je sais que c'est le moment de partir en Italie et ce, pour raisons personnelles.

 

Je parlais couramment espagnol, mais je ne savais pas l’italien, ou du moins ce que j'en savais s'est révélé tout à fait insuffisant pour travailler. J’ai donc commencé par donner des cours de français, tout en prenant des cours d’italien, et par faire des traductions pendant 6 mois. Puis, j’ai travaillé dans une entreprise en tant que qu'assistante commerciale, principalement pour les clients français et américains. Bien qu'ayant multiplié par 6 le chiffre d'affaires de leur meilleur client, je ne trouve pas ma place dans cette entreprise et décide de passer mon chemin et de me consacrer à la traduction et à l'interprétariat. J'y retrouve le goût de la communication, le bon mot pour exprimer le bon concept et la qualité du rapport interpersonnel. J'ai donc tout d'abord traduit, de l’italien vers le français, puis interprété dans les deux langues, puis la situation a fait que l'on m'a demandé d'interpréter et de traduire de l'anglais vers l'italien et vice-versa, puis de l'italien vers l'allemand. Fin 1997, j’étais rôdée pour communiquer en consécutif dans plusieurs langues, et pas faite pour rester assise derrière un ordinateur, je suis allée faire des salons en Allemagne, en France et aux États-Unis comme interprète free-lance. Je travaillais avec des agences et des clients en direct et j’ai fait ça pendant 5 ans environ. En 2003, j’ai commencé à faire le bilan de ce que j’aimais : les enfants, la pédagogie, les voyages, l'art, et en particulier la peinture, et la communication dans son aspect « échanges internationaux».

 

Toutes ces passions se sont trouvées conjuguées dans le Projet ART MILES, dans lequel je vais m'impliquer corps et âme, avec un nouvel élan. Le projet existait déjà dans bon nombre de pays, mais n'avait pas encore trouvé son représentant français. Pour le mettre en œuvre et assurer sa représentation, je crée, avec le concours de Daniel Benoit, loyal coéquipier de la « période niçoise», l'association MultiCulti, l'atelier interculturel Multiculti, dont l'objet est un joyeux mélange d’apprentissage interculturel, d’éducation populaire et d’activités récréatives. Le projet consiste à éduquer au respect par la peinture d'après les valeurs de la culture de la paix et de démontrer que l'interdépendance, dans un contexte de réelle reconnaissance des diversités, engendre une paix et harmonie mondiale. En 2010, une pyramide avec la reproduction de toutes les peintures réalisées au monde sera édifiée et exposée aux côtés des pyramides de Gizeh en Égypte. Par la suite, l'exposition deviendra itinérante et parcourra les principales capitales et sites classés au patrimoine mondial de l’humanité. Cette exposition est une documentation visuelle unique sur les questions historiques, sociales, environnementales et humaines de notre siècle, une véritable Exposition du Siècle qui nous concerne et reflète tout. Le site de la coordination internationale de ce projet est « artmiles.org » (url non active en 2025).

 

Nous recherchons tous types de personnes disponibles pour contribuer à la réalisation de ce projet. Seront particulièrement utiles les personnes compétentes en parrainage et en mécénat, car depuis le lancement de ce projet, seules deux subventions à hauteur de 3 800 € et le précieux partenariat avec le Géant des Beaux-Arts ont contribué à son développement. Il repose, en majeure partie sur mes fonds propres, que je tire encore aujourd'hui de l'interprétariat, et par ailleurs, sur les prestations payantes de peinture et l'engagement personnel des membres de l'association.

 

Parlez-nous un peu plus de ce projet ART MILES

 

« Ce projet démontre que nous sommes tous capables de travailler et de vivre ensemble en paix, la peinture étant, en l'occurrence, son vecteur d'expression. Aujourd'hui, de nombreuses initiatives en font déjà l'expérience, notre mission étant de le communiquer. C'est pour cette raison que nous allons édifier la pyramide de toutes les toiles peintes au monde. Par ailleurs, nous nous attelons à sensibiliser le plus grand nombre à la démarche, pour que le principe du respect fasse son chemin aussi au sein des organisations et des états.

 

Les fondateurs du projet ART MILES sont Joanne et Fouad TAWFILIS. Ils ont travaillé à des programmes d’aménagement du temps libre et des projets de prévention de la violence auprès des jeunes. Ils tiennent également une galerie ayant vocation de promouvoir la paix à travers l’art. Joanne a travaillé, entre autres pour la reconstruction des pays en guerre, à l’ambassade américaine à Vienne, à l’IAEA, à l’UNEP... Elle est, par ailleurs, diplômée en management de l’art.

En ce qui me concerne, c’est le dernier grand projet de ma carrière, ensuite, je me retirerai dans l'intimité ! »

 

Quelles compétences, que vous pensiez détenir lorsque vous étiez institutrice, avez-vous transférées sur vos emplois successifs ?

 

« Après avoir fait le test de contribution à l’équipe Belbin, dans le cadre d’un week-end de gestion de carrière, il s’est révélé que mes principales compétences sont dans la communication, la création, l'investigation et la mise en œuvre. En me retournant sur mon parcours, j'ai trouvé que c'était tout à fait vrai : j’ai été un moteur dans tous les métiers que j’ai exercés, j’aime faire sans cesse des choses nouvelles, je relie les personnes entre elles, à l’écrit et à l’oral. La communication est le fil d'Ariane de tous les postes que j'ai occupés et je la mets au profit de toutes les activités du projet aujourd’hui. Seulement, je ne l'avais jamais formalisé. En bonne introvertie, je ne trouvais pas toujours les bons mots pour m'exprimer. C'est l'intuition qui me faisait avancer et, dans mon for intérieur, pour ce qui me concerne, je ne me suis jamais trompée. En revanche, ce n'est qu'après un long parcours solitaire que ce projet atteint l'âge de maturité : c'est grâce au concours de quelques personnes, de-ci de-là, qui ont su écouter et comprendre, s'engager et respecter. Maintenant tout, dans sa simplicité et son humilité, est au diapason. C'est ça l'identité du Marathon. »

 

Quelles nouvelles compétences pensez-vous avoir acquises ?

 

« En entreprise, j'ai développé des connaissances et compétences en administration générale, en commercial, en gestion, comptabilité et informatique. Depuis peu, je me suis confrontée au fonctionnement des associations. J'ai été amenée à rédiger nos statuts, à formuler, monter et développer le projet associatif, puis le projet spécifique ART MILES, à le présenter à différents partenaires, à demander des subventions et à chercher des collaborateurs. »

 

Cela a-t-il été difficile de quitter l’enseignement, de sauter le pas ?

 

« Prendre la décision n'a pas été difficile, car je suis une personne très optimiste. Je vois la finalité des choses et je saute « sans filet ». J'ai le sens de l'organisation, cependant je n'ai pas celui de la méthodologie. C'est-à-dire que je m’organise facilement sur le terrain, mais ça ne m'est pas naturel « d’anticiper et de construire des étapes ». Par conséquent, dès les 6 premiers mois, ça a été une belle désillusion, mon énergie et mon enthousiasme se sont vite consommés, car je ne trouvais rien et j’ai commencé à déprimer… c’est là que j’ai été embauchée par le Club Med, puis par Nouvelles Frontières. Ça m'a redonné confiance en moi, ensuite j'ai décroché le stage payé à l’IFERP, j’étais sauvée ! ».

 

Que conseilleriez-vous à une personne qui souhaite enseigner ?

 

« D’abord, de faire l’expérience d’enseigner avant de se lancer dans la préparation du concours. Il y a beaucoup d’idées reçues : « le métier le plus beau du monde» en est une, car il ne l'est que si on l'a vraiment choisi. Pour enseigner, il faut avoir le feu sacré, vraiment être convaincu que c’est sa voie, la voie qui nous convient. Il faut être mordu, il faut aimer ça.

 

Je conseillerai aussi d’aller travailler en usine et en entreprise pour pouvoir comparer les conditions de travail que connaît l’enseignant par rapport à ceux qui travaillent dans le privé. Ça permet de relativiser et de découvrir éventuellement aussi d'autres métiers qui nous plairaient ou conviendraient mieux. Car même dans les autres métiers, on n'est heureux que lorsque l'on s'est vraiment trouvé. C'est aussi la démarche que nous faisons avec les jeunes qui participent au Marathon : les mettre en situation d'expérimenter leurs talents, leur donner l'occasion de se faire écouter et leur apprendre de ne pas faire de compromis avec eux-mêmes. C'est leur bonheur qui en dépend ! »

 

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite quitter la classe pour une seconde carrière ?

 

« De prendre son courage à deux mains. Si possible, de se faire accompagner pendant le parcours, de se former à mi-temps et d'éviter de sauter sans filet. C’est difficile, car beaucoup de portes restent fermées, étant donné qu’un enseignant n’est, en général, pas opérationnel immédiatement pour travailler en entreprise. Les compétences de l’enseignant n’ont pas de correspondance directe dans l’entreprise, même si ça commence à changer avec la maîtrise des TICE. »

 

Que vous inspire le dispositif associatif d’AIDE AUX PROFS ?

 

« Je dis : Génial ! Aide aux profs est précieux ! C'est LE réseau d'information, de bilan et de soutien qui, à l'époque, m'a fait défaut. Le site, à l'image des services proposés, est clair et lisible. Il faut du courage pour se lancer dans une seconde carrière. Avant tout, c'est une question d'honnêteté : de respect de soi, se libérer d'une situation qui n'apporte plus rien ou qu’on ne supporte plus, et de respect d'autrui, ne pas imposer son indifférence, voire son mal-être notamment aux jeunes et aux enfants. Pour réussir, ensuite, c'est aussi une question de reconnaissance et de réseau. Aide aux profs vous accompagne, mais il faut savoir, que même lorsqu'on a trouvé sa voie, ça ne sera pas facile tous les jours, non plus. L'essentiel est d'être en accord avec soi-même, c'est ça qui prime.»

 

Comment aimeriez-vous conclure votre témoignage ?

 

« Le projet ART MILES a été un tremplin pour ma réalisation personnelle et professionnelle. J'aspire à le partager avec tous ceux, jeunes ou adultes, qui ont un rêve à réaliser, qu'il soit personnel ou professionnel. Sa devise « rien ne mérite plus d'efforts que la réalisation de nos rêves» trace une voie pour y arriver

 


Cette interview a été réalisée par Rémi Boyer pour la rubrique mensuelle "seconde carrière" de Décembre 2008 pour le Café Pédagogique.

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