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De professeur à Conseiller en Formation, la seconde carrière de Jean-Christophe

Parcours de prof : Jean-Christophe, Conseiller en Formation DAEEFOP

 

 

Quel a été le parcours de carrière de Jean-Christophe ?

 

Après un BTS d’action commerciale et une maîtrise de gestion et administration publique, Jean-Christophe réalise une maîtrise d’ingénierie en management de l’éducation et de la formation.

Après avoir été responsable de formations du domaine tertiaire dans un centre de formation entre 1999 et 2004, il obtient en 2005 le concours de PLP Vente dans le cadre du 3e concours (ouvert à ceux qui peuvent justifier de 3 ans d’expérience professionnelle dans la formation, sur les 5 dernières années avant la candidature au concours).

 

Après une formation à Lyon, il est muté dans l’académie de Créteil en lycée professionnel, pour enseigner du CAP au Bac Pro. Il gère en parallèle le parc informatique du lycée afin de réaliser le prévisionnel des achats et la maintenance. Une mutation sur Dijon l’amène en fait à occuper un poste à profil au sein de la Délégation Académique à l’Action Educative et à la FOrmation des Personnels (DAAEFOP), équivalent d’une DAFPEN : « j’ai eu un entretien après avoir adressé mon CV, une lettre de motivation et un dossier professionnel".

 

L’entretien de recrutement était assez conséquent, car il a duré près de deux heures." J’ai été questionné sur ma connaissance du système éducatif, sur mes motivations et la connaissance du métier que je voulais occuper. L’entretien a aussi porté sur mes compétences et ce que je pouvais apporter à la DAAEFOP ». En parallèle, Jean-Christophe avait postulé pour des fonctions de Conseiller en Formation Continue (CFC) en Greta, mais n’a pas poursuivi dans cette voie.

 

Ses modalités d’emploi diffèrent nettement de celles d’un enseignant : ses congés sont de 45 jours ouvrables (soit 9 semaines, réparties au choix sur l’année), son horaire théorique de travail de 37 h, son contrat est à durée indéterminée, et son emploi bénéficie d’une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) permettant quelque peu de compenser la perte de l’indemnité de suivi d’orientation (ISO) dont il bénéficiait quand il était enseignant.

 

AIDE AUX PROFS mène depuis sa création une enquête systématique sur les modalités d’emploi dans les différentes structures parapubliques du ministère de l’Education nationale : il apparaît que le minimum de congés est de 25 jours (5 semaines) et le maximum de 56 jours (11 semaines) sur des emplois administratifs de catégorie A. Les chiffres les plus importants intègrent une ARTT de 14 jours. Au niveau de l’horaire de travail, il est souvent fonction, depuis la loi sur l’ARTT, du nombre de jours de congés pris par l’agent. Le minimum est de 35 h, et le maximum théorique de 39h (plutôt 45h à 50h en réalité), sachant qu’un cadre ne compte pas son temps.

 

Les recueils de témoignages réalisés depuis 2006 nous ont prouvés qu’un enseignant en détachement sur des postes de chargé de mission ou de responsable d’un service éditorial par exemple peut voir son horaire varier de 35h à 45h par semaine, qu’un chef d’établissement voit son horaire atteindre 50h en moyenne par semaine, avec parfois des pointes à 65-70h, qu’un IA-IPR ou un CFC peut aussi atteindre 50h à 70h en fonction de l’étendue de ses responsabilités, puisque la disponibilité est une constante importante de ses fonctions…

 

Il est donc très important, pour un enseignant candidat à une « seconde carrière », même temporaire, de prendre en compte cette dimension : « quitter la classe », c’est intégrer un autre rythme, avec une disparition de la flexibilité horaire annuelle que constitue l’emploi du temps devant élèves, et une diminution de moitié au moins de ses congés scolaires. Quitter la classe, c’est aussi s’adapter à un autre mode de fonctionnement, où la hiérarchie est plus présente, où le travail est évalué plus fréquemment, où l’on fonctionne par objectifs, avec des rapports annuels d’activité. A partir de 2009, l’administration se met à l’heure de la performance et de la rémunération au mérite.

 

La très grande majorité des emplois que nous prospectons sur le web en détachement et en mis à disposition sont des postes à plein temps. Il est donc illusoire de vouloir réaliser sa mobilité professionnelle en occupant ce type de poste à mi-temps ou à temps partiel. Même si l’enseignant occupe un emploi en détachement à plein temps dans un premier temps, il lui sera très difficile, voire impossible, de demander à y travailler à mi-temps. Ce souhait sera en fait synonyme d’une réintégration anticipée.

 

Quelles sont vos actuelles au sein de la DAAEFOP ?

 

« Je réalise un accompagnement à la conception et à la réalisation du plan de formation de l’académie. Mon rôle est de constituer le cahier des charges, de demander à tous les acteurs quels sont leurs besoins en formations : nous enquêtons dans les EPLE, les IA, les différents services du rectorat, auprès de toutes les catégories de personnels.

 

Notre travail consiste :

-           à déterminer les axes de travail en formation. Accompagner les élèves en difficulté, utiliser et optimiser l’usage des TICE en classe, monter et favoriser la réussite d’un PPRE, mettre en place le socle commun, enseigner les langues…,

 

-           à participer à des groupes de travail avec les IPR afin de valider des projets de formation et de trouver des formateurs,

 

-           A mettre en place, concrètement, les formations, en réalisant les convocations des apprenants,

 

-           A réaliser la campagne d’inscription, en soumettant aux IA-IPR une pré-sélection des candidats,

 

-           A organiser, proposer, analyser,

 

Les formateurs sont proposés par les IA-IPR, ce sont dans leur grande majorité des enseignants. Ils seront rémunérés en HSE (heures supplémentaires d’enseignement). Des conventions sont passées avec des associations complémentaires de l’enseignement public comme le CEMEA, l’AROEVEN, les associations agréées par le Rectorat,

 

-           à accompagner les EPLE sur la mise en œuvre de leur plan de formation. Chaque conseiller a en responsabilité un secteur géographique, un bassin de formation, dont il écoute les besoins.

 

Cette fonction exige beaucoup de relationnel et de déplacements. »

 

Jean-Christophe indique que ses fonctions l’amènent à échanger en moyenne une fois par semaine avec son chef de service. Il dispose toutefois d’une marge de manœuvre, puisqu’il s’agit d’un travail en équipe. Les échanges sont nombreux, l’objectif collectif étant d’améliorer l’offre de formation aux usagers. L’équipe dans laquelle il travaille compte 8 personnes, des enseignants et des CPE, tous avec un cursus différent, soit une palette de compétences diversifiées et complémentaires. Chaque personne de l’équipe dispose d’un bureau personnel et d’un ordinateur portable, l’un des éléments du profil étant la maîtrise de l’informatique.

 

Dans ce type de fonction, l’enseignant est noté par son chef de service selon son implication dans la réalisation des objectifs annuels et de ce qu’il apporte à la DAAEFOP.

 

« Mon horaire hebdomadaire de travail est de 37h. Je suis relativement autonome, on me fait confiance, et si c’est une moyenne, il peut arriver qu’il y ait bien plus de travail certaines semaines que d’autres. Il est donc important d’établir une régulation. Nous ne comptabilisons pas nos heures, ce qui permet parfois de nous dégager personnellement des demi-journées libérées dans l’année. »

 

Quels autres services, au sein du rectorat de Dijon, disposent de postes actuellement occupés par des enseignants ?

 

Nous avons posé cette question à Jean-Christophe car AIDE AUX PROFS s’est aperçue, dans sa prospection sur le web, que la plupart des emplois accessibles avec des compétences d’enseignant situés dans les rectorats ne font pas toujours l’objet de publications sur le web. Certains seront annoncés comme « postes spécifiques », d’autres seront affectés ici et là en fonction des besoins, souvent repérés par les IA-IPR de disciplines. Les emplois peuvent être des décharges de 3h à 6h, des mi-temps en mis à disposition, voire des pleins temps, avec un contrat d’une année renouvelable. Ces emplois, essentiels au bon fonctionnement d’un Rectorat, ne constituent pas pour autant des secondes carrières définitives, puisqu’il n’est pas possible d’y être intégrés administrativement pour l’instant, du fait de l’absence d’équivalence entre le grade d’agrégé avec un CASU ou de certifié avec un ADAENES (ex-AASU) par exemple. Bien que l’enseignant soit de catégorie A, sa professionnalisation initiale est bien distincte d’un personnel administratif de catégorie A. Nous émettons alors l’idée de favoriser des procédures de VAE ou de VAP pour les enseignants tentés par de telles carrières, notamment pour ceux qui se sont investis au cours de leur carrière dans la vie administrative de leur établissement (implication dans le conseil d’administration de leur établissement par exemple). Cela éviterait de repasser un concours, procédé souvent mal digéré par des agents déjà lauréats de concours difficiles d’accès.

 

Jean-Christophe évoque au rectorat des postes de « dans le domaine de l’informatique » de « chargé de mission en secourisme », de « chargé de mission aux affaires culturelles », de « chargé de mission à l’international ou à la logistique ». Ces postes sont tous des postes spécifiques ou à profil, ils font l’objet de publications séparées des mouvements habituels de mutation.

 

Jean-Christophe précise un élément qui nous paraît capital, comme un conseil à donner à tous ceux tentés par ce type de mobilité professionnelle : « il faut sortir de son champ disciplinaire ». Il est en effet très difficile de trouver un emploi « disciplinaire » de non enseignant. La polyvalence des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être est de mise, avec une adaptabilité, une autonomie, une disponibilité, une rigueur, une productivité et un sens affirmé du service public attendus.

 

Nos enquêtes nous ont permis de repérer d’autres types de postes occupés par des professeurs dans les services académiques :

 

-           chargés de mission dans une DAET, une DAFPIC, une DAFCO,

-           conseiller en formation dans un CSAIO, une DAFPEN,

-           conseiller carrière dans une cellule d’aide aux enseignants ou une cellule de mobilité,

-           chef de bureau en administration centrale,

-           chargé de mission ADEME pour s’occuper de la prévention des risques naturels et technologiques,

-           délégué à la sécurité routière dans des inspections académiques (IA),

-           chargé d’inspection en appui de l’action d’un IA-IPR,

-           médiateur culturel ou responsable d’actions éducatives auprès d’un musée ou d’un service éducatif.

-           Chargée de mission pour une DRAC.

 

Chaque rectorat est autonome dans sa gestion de ce type de fonctions, ce qui explique que tous ne les proposent pas. Le nombre d’ETP occupés par des enseignants dans les différentes académies a été chiffré il y a quelques années par différents rapports de l’Assemblée nationale, du Sénat et de la Cour des Comptes, mais aucune étude approfondie, à notre connaissance, n’a été réalisée depuis fin 2005.

 

Les rectorats disposent aussi parfois de supports budgétaires où sont affectés des enseignants en PACD (ex-réadaptation). Assistant en ressources humaines en fait partie, mais ce sont des postes temporaires, en attendant que la personne puisse réenseigner. A noter que les postes en PACD et PALD se situent aussi au CNED, et dans le réseau SCEREN (devenu CANOPE), mais que leur nombre diminue au fil des contraintes budgétaires et de la réforme de modernisation de l’Etat.

 

Dans tous les cas, ces postes ne sont pas des postes dits de « seconde carrière », puisqu’il n’est pas possible d’y être intégré définitivement, sans doute pour des raisons budgétaires. Mais ils peuvent constituer des secondes carrières temporaires, pour se préparer à un autre type de carrière, dans une administration, une entreprise, ou en créant sa propre activité.

 

Quelles compétences ont permis à Jean-Christophe de réussir sur les différentes fonctions qu’il a occupées ?

 

« J’ai des savoirs : une bonne connaissance du système éducatif.

 

J’ai aussi des savoir-être : un bon relationnel avec tout type d’interlocuteur (IPR, services du rectorat, EPLE, professeurs), des qualités d’écoute, de disponibilité, d’analyse, de prise de recul par rapport à telle ou telle situation, de réflexion sur les différents problèmes que l’on peut rencontrer.

 

Mes savoir-faire sont la maîtrise de l’outil informatique, la compréhension de ce qu’est un Plan de Formation, et une certaine humilité aussi : je ne prétends pas savoir résoudre tous les problèmes. »

 

Quelles compétences complémentaires a acquis Jean-Christophe sur ces fonctions ?

 

« D’abord, sur le système éducatif :

-           la maîtrise de certains d’indicateurs, et une meilleure compréhension des raisons de ces phénomènes (l’impact des redoublements, les flux sur l’orientation…),

-           une meilleure compréhension des processus d’apprentissage,

-           comment s’y prendre pour favoriser les apprentissages des élèves rencontrant des difficultés d’apprentissage, des élèves handicapés.

J’ai aussi accentué ma culture dans de nombreux domaines.

 

Ensuite, au niveau des savoir-faire :

-           je travaille souvent avec des collèges différents,

-           je pratique des remises en cause régulières, c’est là le sens du travail en équipe, qui permet de mener un travail collectif avec une plus grande efficacité. »

 

L’emploi au sein de la DAAEFOP a-t-il un caractère définitif ?

 

«Le rectorat est une grande maison, nous y sommes très bien encadrés, avec un temps d’adaptation qui peut atteindre 3 mois, le facteur humain est ici très important pour favoriser une bonne prise en main des fonctions qui sont les nôtres. Il est important que nous sachions créer un bon climat relationnel avec nos différents interlocuteurs. »

 

Quels conseils donner à une personne qui souhaite enseigner ?

 

« Bien comprendre les règles du jeu. Ne pas rechercher seulement à obtenir le statut de fonctionnaire. Il faut savoir ce qu’est un professeur, aller voir comment ça se passe dans une classe. On idéalise souvent ce métier. Lorsque j’ai enseigné à Créteil, je faisais cours dans des préfabriqués, sans chauffage, avec des élèves en difficulté. Beaucoup de gens idéalisent trop ce métier. Il faut en comprendre dès le départ sa diversité, l’essentiel étant de prendre plaisir à transmettre des connaissances, sans que ce soit des connaissances pures. Ce métier exige de posséder beaucoup de savoir-être, il faut vraiment bien comprendre où on met les pieds, avoir une ouverture d’esprit bien au-delà de sa discipline d’enseignement".

 

Quelles recommandations donner à ceux tentés de « quitter la classe » ?

 

« Les professeurs méconnaissent leurs compétences. Leur métier leur ôte la distance nécessaire par rapport à la pratique de leurs compétences dans d’autres situations. Certains enseignants ont des compétences de grande valeur, mais les sous-estiment. D’abord, je conseille de bien préparer son projet, de bien l’évaluer, de connaître ses compétences pour le mener à bien. Il faut aussi se sentir capable de se former davantage, de prendre le temps nécessaire pour cela. »

 

 

Interview parue en décembre 2008 dans la rubrique "seconde carrière" que Rémi Boyer a animée pour AIDE AUX PROFS sur le site du Café Pédagogique.


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